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Georges Maldague, écrivaine

Georges Maldague : sous ce patronyme se cache Joséphine, Zélie, Adélaïde Maldague, écrivaine et romancière dont les feuilletons ont fait les beaux jours des journaux tel Le Petit JournalLe Petit Parisien ou Le Petit Stéphanois pour ne citer qu’eux. Outre une collection de près de quatre-vingt-dix romans, il ne reste que peu de choses de cette grande dame de Rethel. 

Acte de naissance de Georges Maldague
Collection de Francis Laux
Acte de naissance de Georges Maldague. Coll. de Francis Laux

Georges Maldague est née place de la Halle à Rethel le 8 décembre 1857. Son acte de naissance mentionne les prénoms : Joséphine, Zélie, Adélaïde.

Elle reste suffisamment longtemps à Rethel pour que l’amour du sol natal ne la quitte jamais.

Ses parents, Adolphe tailleur d’habits et Françoise sans profession partent s’installer à Sedan. Elle est élève du pensionnat de la rue de l’Horloge, tenu par les Sœurs de la Chrétienté. Le 1er septembre 1870, elle assiste à la bataille de Sedan. Son père, Garde national, est blessé à la tête par un éclas d’obus. Cet épisode de l’Histoire de France lui inspirera l’un de ses plus célèbres roman : Le Petit Tambour de Bazeilles.

Fascicule n°1 du livre Le Petit Tambour de Bazeilles
Collection Ardennes, toujours…
Fascicule n°1 du livre Le Petit Tambour de Bazeilles
Coll. Ardennes Toujours

Vers seize ans, Joséphine écrit son premier roman : Le Petit de la Lionne. Elle apprend le 10 avril 1875, soit deux ans plus tard, que le journal L’Espoir Rethelois a décidé de le publier. Le succès de ce premier roman est tel, que la jeune fille prend sa décision : elle sera romancière. 

Joséphine commence à écrire de plus en plus de romans et pour elle, il n’est plus question de vivre à Rethel ou Sedan : elle choisit Paris, comme tous les artistes en quête de réussite. 

Découvrant que dans le monde de l’édition parisienne, pour qui veut réussir, mieux vaut être un homme qu’une femme, elle prend la précaution de prendre un prénom masculin : Georges (avec un s), Georges Maldague. Elle trompe ainsi bon nombre de critiques qui dans leurs articles la nomme Monsieur Georges Maldague. 

À Paris, elle a pour parrains deux écrivains politiquement marqués : Léon Cladel (1834-1892), romancier et nouvelliste pro-communard et Hector France (1837-1908), romancier vosgien qui, malgré une carrière militaire, est considéré comme un anarchiste humanitaire. Georges Maldague devient aussi la protégée de Louis Paul Piegu, Directeur du journal Le Petit Parisien dont le tirage double entre janvier 1879 et novembre 1880 (de 23 000 à 40 000 exemplaires), grâce notamment à la place alors importante accordée aux feuilletons.

Photo de Georges Maldague
lors d'une conférence en 1910
© Michel Estermann
Georges Maldague lors d’une conférence en 1910
© Michel Estermann

Les succès s’enchaînent alors : La ParigotteRose sauvageLa BoscotteLa Magnétisée… Toutes ces histoires racontent des aventures, des tragédies, des amours compliquées mais qui se terminent toujours de manière heureuse. Georges Maldague est qualifiée par ses contemporains d’auteure dramatique. Ses romans décrivent les mœurs ou la raison sociale. Elle s’intéresse à la condition des femmes et des jeunes filles, victimes de la société et des hommes, mettant en évidence des femmes courageuses face aux difficultés et aux revers. 

Pratiquement tous ses romans (romans-feuilletons) paraîssent dans les grands journaux de l’époque comme Le Petit Journal, tiré à un million d’exemplaires, puis édités ensuite sous forme de livres bon marché. Plusieurs sont reproduits dans Le Petit Ardennais

Elle s’adonne également à des causeries si documentées et si élégantes sur le XVIIe siècle, puis sur les XVIIIe et XIXe siècles dans la rubrique les Arts et les Lettres.

Extrait d'un journal sur les causeries
Source Gallica
Extrait d’un journal sur les causeries. Source Gallica

Georges Maldague fréquente alors le « Tout-Paris », les grands salons, les grandes maisons de coutures sont fières de la citer comme cliente, partout on la demande. De même, en 1884, reconnaissance et honneur suprême, elle adhère à la Société des Gens de Lettres sous la coupe de Fortuné Du Boisgobey (1821-1891), auteur de romans judiciaires et policiers et de Jules Mary (1851-1922), son compatriote ardennais feuilletoniste lui aussi, né à Launois-sur-Vence et qui deviendra Président Honoraire de cette même société. 

Georges Maldague est toujours restée proche de ses racines ardennaises : en 1936, elle adhère à l’Amicale l’Ardenne à Paris

Les seuls prix connus et reçus par Georges Maldague émanent de la distribution annuelle de la Société des Gens de Lettres : dans les années 1870, le Prix Jacob de La Cottière(ancien sociétaire de la SGDL) et en 1933, le prix Myriam Thelen (romancière). 

Parmi les traductions, on peut citer Passion Maldita en Espagne, la Gobbetta et la Bella Modista parue en Italie dans le quotidien Il Secolo

En 1906, le succès aidant, Georges Maldague aborde le théâtre avec la pièce Le Blé de Lune, drame en cinq actes, joué au théâtre Molière. En lever de rideau, se joue Chichette, écrite sous le patronyme de Jean de Rethel.

Extrait du journal Le Monde Artiste
en date du 14 janvier 1906
Extrait du journal Le Monde Artiste en date du 14 janvier 1906

L’année suivante, une autre pièce tirée de son roman La Boscotte est présentée au théâtre de l’Ambigu. 

Enivrée par son succès, elle décide d’investir le million de francs-or de sa fortune dans l’achat de ce théâtre qui se trouve bientôt plongé dans de graves embarras financiers. Georges Maldague se retrouve ruinée pour toujours.

Journal du dimanche 20 décembre 1908
présentant la pièce La Boscotte. Partie 1
Journal du dimanche 20 décembre 1908
présentant la pièce La Boscotte. Partie 1
Journal du dimanche 20 décembre 1908
présentant la pièce La Boscotte. Partie 2
Journal du dimanche 20 décembre 1908
présentant la pièce La Boscotte. Partie 2

Harcelée par les huissiers, les romans qui produisent toujours une rémunération ne lui permettent aucun secours : les recettes sont ponctionnées à la source. Elle sombre dans la misère. Ce n’est que grâce aux subsides de la Socièté des Gens de Lettres qu’elle peut survivre dans un hospice misérable. 

Son calvaire se termine le 21 janvier 1938 à l’âge de 81 ans dans la salle commune de l’hôpital Broussais. 

C’est au cimetière de Thiais, dit cimetière des pauvres que Georges Maldague est conduite. Le léger cercueil est déposé dans une fosse commune. Une quinzaine de personnes assiste aux funérailles. Deux discours sont prononcés, l’un par Léon Croq, Président de la Société des Romanciers français et l’autre par Madame Camille Marbo, Présidente de la Société des Gens de Lettres

En juillet 1950, la concession est reprise lorsque l’administration procédant périodiquement à la relève des corps inhumés en concession temporaire ou gratuite, récupère l’emplacement et transfère l’écrivaine à l’ossuaire. 

Pourtant, en 1925 alors âgée de 68 ans, Georges Maldague écrivait à Jean-Paul Vaillant qui venait de créer la Société des Écrivains Ardennais : 

« Retheloise de vieille souche, avec plus que jamais au cœur l’amour de ma petite ville que je revis en juillet 1914, puis en mars 1915, et qui m’attire toujours, bien que je n’y trouverai rien du passé éloigné de mon enfance ; je viens vous demander quelques détails sur la Société que vous fondez et dont je serai sans doute la doyenne. 
Rethel fut mon berceau, j’y retourne à la tombe. Voilà l’épitaphe que je voudrais un jour
. »

Ex-libris Georges Maldague
Dague, plume et monogramme en banderole, œuvre de Henry-André - 1906.
Collection Ardennes Toujours
Ex-libris Georges Maldague Dague
plume et monogramme en banderole
œuvre de Henry-André – 1906. Coll. Ardennes Toujours

Elle ne reverra jamais Rethel, sa petite ville pour qui elle avait composé ce poème : 

Ma petite ville

Elle allait ma petite ville, 
De l’Aisne, aux rives ombragées 
Jusqu’au château, vieille bastille 
Des Mazarin, aux temps passés, 
Halle massive, rues grimpantes, 
Elle grimpait, coquette, fringante 
Par de longs siècles protégée, 
Vers la Grosse Tour démantelée. 
Elle allait, ma petite ville, 
De la promenade des Isles 
Au calvaire à la croix rouillée 
Au moulin qui moulait le blé, 
Ses ailes tournant dans l’air pur, 
Ailes blanches sur fond d’azur, 
Tandis que les abeilles folles 
Butinaient dans l’or des corolles. 

Elle montait, ma petite ville, 
Des grandes prairies qui scintillent 
Sous la rosée, les matins chauds, 
Vers l’église, là-haut, tout en haut, 
Eglise où l’on m’a baptisée, 
Vers la maison où je suis née… 
Puis elle descendait au champ clos 
Où les miens dorment le grand repos. 

En juillet, sous un ciel ardent, 
Où, le soir, dans le clair de lune, 
Pleine de rires et de chants, 
Où de la majesté nocturne, 
Je revis la petite ville 
Où, bras nus, en robe légère, 
Jadis, à la main de grand-père, 
Je me promenais dans les Isles. 

Tu me reçus, chère demeure 
Où l’amour a tant habité, 
Où, sur un berceau, à toute heure 
Des fronts tendres se sont penchés 
C’est là que mon cœur s’est ouvert 
Et que mon cerveau s’est formé, 
Que mes yeux d’enfant ont pleuré, 
C’est là, d’abord, que j’ai souffert. 

Sensations futiles, charmantes, 
Les bottines bleues qu’on a salies, 
La première couronne blanche 
De la distribution des prix… 
Le Noël sous la cheminée, 
Les compliments du jour de l’An, 
Les cloches de Pâques enrubannées, 
Qu’on ne voit jamais !… en passant 

Père, mère et grands parents, 
Bandeaux blancs et jeunes visages, 
Ceux dont je n’ai plus l’image 
Surgirent tels, à mes yeux d’enfant, 
Bien avant que la dure lutte 
Qui nous éloigne du foyer 
M’eût poussée pour atteindre, au but, 
Vers Paris, puissant, enfiévré ! 

Et voici la très vieille église, 
Au coq surmontant le clocher 
Sous le portail en pierre grise 
Le grand Saint Nicolas sculpté ; 
De l’Aisne à la croix du Calvaire, 
Je marchais, le cœur palpitant, 
Chaud de la chaleur de la terre, 
D’où elles sortaient, les voix d’antan. 

Elles disaient, soudain puissantes, 
Les bouches que le temps a fermé, 
Dans la belle nature vibrante, 
Où renaissent les épis fauchés : 
« Emplis ton regard et ton cœur 
Des doux souvenirs d’autrefois
 » 
Et moi, sans comprendre ces voix, 
Je revivais tout mon bonheur ! 

Je ne verrai plus la demeure, 
Où ma mère m’a tant bercée… 
Cendres et ruines à cette heure 
Vont des Isles à la croix rouillée… 
Mais sous la ruée allemande, 
Rethel ! il bat toujours ton cœur ; 
Petite Patrie, dans la Grande… 
Dans la Grande… pour qui on meurt ! 

Georges Maldague

Bibliographie

Aimer et Vivre  
Âme en peine 
Baiser d’amour 
Baisers perdus 
Belle cousine 
Celle qui tue 
Chaîne mortelle  
Deux bâtards 
J’ai pardonné  
Ils s’aimaient  
La Belle Armande 
La Belle chiffonnière 
La Belle modiste 
La Boscotte 
La Confession de Renaude 
La Délaissée 
La Dot fatale 
La Faute de la Comtesse Ada  
La Griffe d’or 
La Fin d’une vie 
La Jeune fille au ruban bleu  
L’Amante 
La Magnétisée 
La Main gauche 
La Mare aux folles 
L’Amour est plus fort 
La Petite fleur bleue 
La Parigote 
La Prisonnière du Mahdi (co-écrit avec Victor Tissot) 
La Simple 
La Tâche violette 
L’Attentat 
La Ravine noire 

Annonce du feuilleton La Ravine noire
Annonce du feuilleton La Ravine noire

L’Aventurier d’amour  
Le Bancroche 
Le Beau voyage 
Le Blé de lune 
Le Droit de la chair 
Le Droit d’être heureuse 
Le Jeu de la mort 
Le Mal d’amour 
Le Mal de vivre 
Le Petit de la lionne 
Le Petit tambour de Bazeilles 
Le Roman d’une ouvrière 
Le Secret de Diane 
Le Secret de Yette 
Les Chevaliers de l’amour 
Les Coulisses de la Basoche 
Les Deux sœurs 
Les Deux Micheline 
Lèvres closes 
L’Henry-Paule 

Affiche l'Henry-Paule conservée aux Archives Départementales des Ardennes
Affiche l’Henry-Paule
conservée aux Archives Départementales des Ardennes

L’Intrigante 
L’Intruse 
L’Irréparable faute 
L’Invincible amour 
Mam’zelle Trottin 
Mimiche et Liline 
Monsieur le professeur 
On ne joue pas avec le cœur 
Pardon suprême 
Paris-Rio 
Pasion maldita (espagnol) 
Plus haut que la honte 
Pour le Roi de Prusse 
Pour un baiser 
Pour une femme 
Rose des montagnes 
Rose Sauvage 

Couverture du livre Rose Sauvage
dont l'action se situe dans les Ardennes
Collection Ardennes Toujours
Couverture du livre Rose Sauvage
dont l’action se situe dans les Ardennes
Coll. Ardennes Toujours

Sans pitié 
Supplice d’amour 
Tombé du ciel 
Tragique amour 
Trahison d’amour 
Tuez-les ! 
Un Cri dans la nuit 
Un Hussard de la mort 
Une Femme passa 
Une Histoire d’amour 
Vertige d’amour 
Vision rouge 
Yvonne la simple

Que reste-il aujourd’hui de notre rethéloise ? Une rue, une place ? Non, presque rien ! Même à Rethel, sa « Petite ville » où seule une salle de l’Agora Médiathèque-musée du Pays rethélois construit en 2018 porte son nom. 

Remerciements

Remerciements tous particuliers à l’écrivain Ardennais Francis Laux grâce à qui nous avons découvert Georges Maldague et qui nous a généreusement offert l’ensemble de sa documentation pour la réalisation de cet article.

Francis Laux, conteur en Ardenne
Francis Laux, conteur en Ardenne

Sources

Georges Maldague, Une Rethéloise entre gloire et déchéance, Terres Ardennaises n°130, avril 2015
À la mémoire de Georges Maldague par Henri Bourguignat, Le petit Ardennais 26 janvier 1938 
Bulletin archéologique, historique et folklorique du musée du Rethelois et du Porcien 
Mme Georges Maldague, Les Ardennes françaises octobre 1929, N°26 
Georges Maldague,  La Grive avril 1938 N°40 
Le Petit Rethelois 
Les Ardennes françaises Octobre 1926 
Une romancière Rethéloise Georges Maldague, L’Ardennais 1er avril 1955  
Bulletin des amis du roman populaire N°16 printemps 1992 
Les Infortunes littéraires, Anne-Marie THIESSE 
Ellen CONSTANS Dictionnaire du roman populaire francophone 
Ellen CONSTANS Ouvrières des lettres 
Gallica 

Pour aller plus loin

Rethel veut faire revivre sa romancière oubliée, par Sandrine Beigas, Journal l’Union, 4 mai 2014
Quand Joséphine Maldague devint à Paris Georges Maldague, Journal l’Ardennais du 19 avril 2014, Chemin faisant Chronique hebdomadaire de Yanny Hureaux